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16 décembre 2007

Rêverie

07_reverie

C’est l’aube. Toute alanguie, elle a vu par la fenêtre partir la voiture de son bel ami.

Par tous les moyens, elle a essayé de le retenir. Encore un petit café ? Encore un petit câlin ?

Lui riait. « Mais non ma belle, il faut que j’aille travailler. Je suis déjà en retard. »

« Mais regarde, la journée va être si belle ! Nous pourrions aller nous promener là bas sur la grève ! »

« Attendons dimanche, je te promets la mer, et un monceau de coquillages avec le petit vin blanc frais »

Mille fois, il lui a baisé les doigts, mille fois elle s’est pendue à son cou.

« Encore, encore … » lui disait-elle.

« Nous avons la vie devant nous, et ce soir promis je reviens tôt. »

Alors, après un dernier baiser, elle l’a laissé filé… et là alanguie, elle regarde la voiture s’éloigner… déjà elle ne la voit plus.


Leur CD fétiche égrène ses dernières notes. Ils l’ont écouté et ré-écouté. A satiété.

Les plus belles chansons de Piaf. Ca chante l’amour, ça vous rentre dans la peau… elle en est imprégnée comme de ses caresses, de ses baisers, de son odeur, de son parfum, de ses mots qui lui tournent dans la tête… On s’aimera toujours…. Mon amour… Mon amour…

La vie lui sourit. C’est Lui qu’elle attendait. Elle chantonne, elle exulte, une indescriptible envie de vivre et d’aimer s’empare d’elle.

Vite sous la douche, un shampoing, se faire belle, se parfumer, ranger la maison… acheter des fleurs à foison. Et puis un bon repas comme il aime… Et pourquoi pas du champagne et mettre des bulles dans la fête.

Elle est sous la douche et elle chante à tue-tête ! Les multi-jets massent son corps… elle se sent bien comme elle ne s’est jamais sentie aussi bien.


Le téléphone sonne… une fois, deux fois, trois fois. Le répondeur se déclenche.
Là-bas à quelques kilomètres seulement, un putain de camion vient de briser son rêve.

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15 décembre 2007

La tête dans les nuages

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La tête dans les nuages, j’ai rêvé.

C’était un rêve tout doux, tout bleu.

Un rêve qu’on a envie de continuer jusqu’à l’aube.

Il y avait des mains ouvertes. Les miennes, sans doute. Tournées vers les autres, mains offertes à l’amitié, à l’amour. J’aime les mains, j’en ai déjà parlé.

Et puis doucettement, un oiseau s’est posé. Oh pas un oiseau très côté, genre colibri avec ses belles ailes bleues. Pas non plus un aigle avec ses serres acérées. Un petit moineau tout gentillet, un petit Piaf de Paris. Mais il piaillait – enfin chantait – mais son chant n’avait rien de celui du rossignol qu’importe !

Je n’osais pas bouger. Pas le moindre vermisseau à lui donner, vous parlez là haut dans les nuages tout juste si j’aurais pu lui donner un peu d’eau. Il m’a chanté l’air de la liberté, des grands espaces, de la maternité, du printemps qui reviendrait c’est sûr. Je l’ai écouté, fascinée.

Et puis soudain.. pfttttt… dans un grand battement d’ailes qui à peine m’a effleuré ma main, un papillon tout léger est venu se déposer. Ses ailes frémissaient encore. Il était blanc comme neige, et si délicat que j’ai coupé mon souffle de peur de le casser.

Je ne l’entendais pas, que celui qui a déjà entendu un papillon chanter ou parler lève la main !

Mais mon petit moineau – qui lui le comprenait – m’a tout raconté.

Il a parlé de l’été. Des grands champs de blé et des coquelicots. Et du souffle léger qui caresse la peau tel un baiser. De la vie éphémère dont il faut profiter. Je l’écoutais, les yeux fermés. J’étais transportée.

Mais le vent s’est levé, et de toutes leurs ailes mon oiseau et mon papillon se sont envolés.

Et moi je suis restée là bêtement.. mes deux mains ouvertes… sur ma couette.

Une poudre blanche au bout de mes doigts et une plume qui me chatouillait le nez.

14 décembre 2007

Au Grand Café

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Elle officie au Grand Café.

Oui, le mythique… celui où la caissière est bien mignonne avec son chignon roulé

Enfin était mignonne… car depuis elle a bien vieilli la caissière. Le chignon roulé est toujours là, bien arrimé par des épingles… mais la caissière a pris de l’âge…. Et mignonne elle n’est plus ! Mais elle est toujours aussi efficace ! Son œil aiguisé vérifie les commandes, les additions et elle engrange les sous avec assiduité et professionnalisme. Bien sûr beaucoup de cartes bancaires, mais ici beaucoup règlent en espèces non pas sonnantes et trébuchantes mais en billets bien neufs et craquants… et elle a l’œil, pas besoin de détecteurs de faux billets. D’ailleurs, ce n’est pas le genre des clients de la maison !

Le Grand Café n’a pas changé. Son ambiance reste un haut lieu de ce qu’il y a de plus chic, plus rétro, plus classe du tout Paris. Des plafonds somptueux, des lustres étincelants. Des fauteuils agréables, une douce ambiance musicale du piano bar, un peu jazz. Et les serveurs en grande tenue. Que des hommes bien sûr. Pantalons noirs, chemises blanches et grands tabliers. Le cheveu gominé. Obséquieux à l’extrême. Bref l’endroit chic où il fait bon ton de se montrer et en galante compagnie.

Mais revenons à Elle.

Elle, elle a la classe. Un peu Grace Kelly sur les bords – la classe quoi !

Elle arrive sur le coup de 23 heures, toujours habillée avec élégance. Elle s’accoude au comptoir, fière, hautaine, lointaine… et commande une coupe de champagne. Mais ne vous y fiez pas… son regard aiguisé – tout comme celui de la caissière - scrute les clients du soir … jamais les mêmes ! Toujours du renouvellement !

Ah bien sûr il y a l’incontournable provincial en mal de goguette qui a levé – dans quel tréfonds ? – la cocotte qui se pavane et rit à gorge déployée !

Ce gibier là ne l’intéresse pas !

Et puis il y a les grandes tablées, avec les entrepreneurs qui sortent leurs clients. Ils ont le ventre bien rond et le portefeuille bien garni, elle a souvent jeté son dévolu sur eux. Le champagne coule à flots à ces tables-là, prélude d’une nuit d’orgie. Mais le contrat est là sous leurs coudes et ils guettent dans les yeux de leurs victimes le meilleur moment pour les faire signer. Le beau paraphe qui leur apportera plein de blé.

Elle a repéré déjà deux tablées de son regard acéré.

Mais une autre tablée attire son regard ! Et là, victoire c’est le jackpot de la soirée… Un ministre est là entouré de son aura de fans. Journalistes en mal d’écriture, chanteurs en mal de renommée… vils servants. Tout le monde y est !

Elle exulte. Ne les quitte plus des yeux. Son regard se vrille dans les yeux de l’homme politique. Il sourit. Elle sourit. Bientôt tout le fatras de ses admirateurs disparaît à ses yeux. Cette fille est hypnotique. Il ne voit plus qu’elle. Ne veut plus qu’elle. D’un geste de la main, il l’invite à sa table. Elle dénie gentiment mais dans les yeux de la coquine il voit se profiler tant de paradis… Il rit, trop fort. Il boit, trop. Sa cour se trémousse à chacun de ses bons mots ! Mais Elle, elle reste hiératique, inaccessible étoile qu’il a envie de voir briller dans son firmament. Il est prêt à toutes les folies et elle le sait.

Alors, titubant il vient vers Elle tel un conquérant, et Elle qui se prépare à partir lui glisse discrètement sa carte de visite dans la main. Il est transporté, il est Dieu, rien ne lui résiste.

Elle lui susurre à l’oreille « A bientôt… »

Et Elle part, toujours altière, lui laissant, avec sa grande étole dont Elle s’est enroulée, des rêves pleins la tête et une seule envie la revoir bien vite… Il va abréger sa soirée, renvoyer ces imbéciles… De toutes façons ils sont à sa botte.

Elle est rentrée chez Elle. A défait la jolie robe et a posé l’étole. Elle enlève sa perruque et secoue ses petits cheveux bruns courts qui la rendent si juvénile.

Elle ouvre son ordi portable et envoie un mail à son patron, le chef des renseignements des impôts.

Il sera content… depuis qu’ils cherchaient à le coincer celui-là avec la caisse noire de son parti. Ils savent où le trouver… avant la fin de la nuit, c’est certain il viendra sonner à la porte de l’immeuble bourgeois du XVIe arrondissement.

Bonne fin de nuit, monsieur le Ministre, murmure t’elle avant de s’endormir du sommeil du juste.

13 décembre 2007

Ramer...

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Ramer ! Ah ca, je connais !

Non, non je ne suis pas une adepte de l’aviron ….

En voilà déjà un paquet d’années que je rame dans l’imbroglio de ma vie !

Et tire que je te tire, parfois j’ai mal au dos. Les bras sont douloureux et souvent j’ai eu envie de jeter tout, les rames et moi avec !

La vie n’est pas un long fleuve tranquille ! Ce n’est même pas un fleuve du tout !

Ce serait pratique ! Il n’y aurait qu’à se laisser porter pour le courant, éviter les tourbillons, atterrir de temps en temps sur les rivages paisibles.

Non, la vie est un arbre… au début tu n’es qu’une feuille, et puis petit à petit ta vie devient un tronc qu’il est plus difficile de déplacer, faire évoluer, avancer.

On perd tout ce qui est aérien. Bien sûr, sur notre rivage qui s’éloigne des sources, tu laisses de beaux arbres, tes enfants qui à leur tour feront leur chemin de vie. Alors tu es content car les arbres sont déjà beaux, bien implantés, bien droits.

Mais tu laisses aussi sur ta route des arbres morts, desséchés, brûlés, rasés. Ce sont tes amours mortes, tes illusions perdues, tes rêves abandonnés. Tes utopies sacrifiées au quotidien. Tes grands espoirs. Tes croyances. Ta foi.

Depuis longtemps je navigue en solitaire, pas une main aimée pour prendre les pagaies, me relayer.

Il faut avancer. Encore, toujours. Et l’écorce se fait plus dure. Tu t’éloignes du ciel, de la jeunesse. Petit à petit tu t’enfonces. Inexorablement.

Mais tu avances, là-bas, vers la terre profonde, retrouver tes racines. Le voyage va bientôt se terminer, de toutes façons tes forces s’amenuisent. Et puis tu en as tellement marre de ramer.

Alors tu pars en rêve, et d’un seul coup tout s’éclaire. Le soleil se met à briller et tu entends les oiseaux chanter. Tes bras sont à nouveau vigoureux. Ton âme devient légère. Tes bras deviennent des ailes et tel un oiseau tu survoles ta vie, mais tu la vois d’en haut. Tu ne vois plus les embûches, les mauvais moments. Tu retrouves tes rêves d’enfance, tes utopies innocentes, tes amours perdues.

Et tu te dis…. J’ai ramé oui. Encore et encore. Mais qu’elle est belle la Vie !

12 décembre 2007

L'Aquarium

03_femme_poisson

Je ne suis qu’un petit poisson
Mais c’est moi qu’elle a choisi
J’en ai encore le frisson
J’en étais tout cramoisi

Tu n’es qu’un petit poisson
J’aurais pu prendre un scalaire
Ou bien un poisson néon
Un poisson pour me distraire


Elle m’a mis dans un bocal
Elle l’a rempli d’eau claire
Elle m’a appelé Pascal
Ce n’est pas pour me déplaire

Je passe des heures à t’observer
Je te parle doucement
Saurais-je t’apprivoiser ?
Tu es mon amusement


Elle a des yeux couleur de mer
Sa voix me rappelle les hauts fonds
Mais pourquoi suis-je sous verre ?
Et ses cheveux sont si blonds !

Mais je crois que je divague
J’ai tant besoin de passion
Je deviens vraiment foldingue
Amoureuse de mon poisson ?

Ca y est ! J’ai osé !
Sur sa bouche purpurine
J’ai déposé un baiser !
Waouh l’adrénaline !

Mais qu’a-il mon beau poisson ?
Comme une pierre il est tombé !
N’y a t’il pas d’anti-poison ?
Merde ! Il a succombé !

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11 décembre 2007

Elle a hissé les voiles....

Elle a hissé le voiles.

Petite fille de pirate, son enfance est émaillée de récits d’abordages, d’îles inconnues, de mers d’azur, de poissons volants. Mais aussi de tempêtes.

Drôle d’hérédité que ce grand’père qui a fini au bagne. Elle en a peu de souvenirs, jamais il ne l’a prise sur ses genoux. Elle en avait peur, un peu, beaucoup.

Celle qui a vraiment marqué son enfance, c’est sa grand-mère. Une mémé comme beaucoup d’enfants auraient aimé avoir. Tendre, parfumée. Un bouquet de fleurs. Son visage était pourtant tout marqué, ridé comme une vieille pomme. Ses yeux d’avoir trop pleuré étaient tout délavés. C’étaient des yeux d’océan, d’avoir trop scruté l’horizon, la peur au ventre. Cette grande mer qui avalait son homme.

Souvent la petite lui demandait… « Comment l’as-tu connu ? Est-ce que tu l’as aimé ? »

Sa grand-mère ne lui répondait jamais, elle élucidait… « mais, c’est l’heure d’aller au lit ma petite ! T’es-tu lavé tes dents ? Tes mains ? Il te faut bien vite aller au lit car demain c’est l’école. Je ne veux pas que tu sois une ignorante comme ton père et tes oncles ! »

Et prestement, une fois au lit, elle venait la border, déposait un baiser doux sur ses paupières. Elle récitait ses prières rituelles appelant la Sainte Vierge, saint Nicolas le patron des marins et la petite ânonnait avec elle.
Mais les prières finies, sa grand-mère sortait de la chambre, laissant la porte entrouverte pour que passe un peu la lumière

Elle luttait, de toutes ses forces elle luttait. Contre le sommeil. Contre ces cauchemars qui allaient l’envahir, elle en était sûre. « A l’abordage !!!!!!!! » La voix tonitruante, le sourire carnassier et l’œil de braise de son grand-père venaient envahir ses nuits. Elle se réveillait en hurlant, la peur au ventre, de grands sanglots la secouaient et les cris s’étouffaient dans sa gorge.

Cela s’était accentué depuis qu’ils avaient appris que le grand-père était mort là-bas. Au bagne. Comme un chien. Alors, dans ses nuits, des crânes hideux avec les orbites vides étaient venus s’ajouter à ses cauchemars. Elle dépérissait. Jamais ne trouverait-elle le repos ?

Sa grand-mère pourtant depuis était plus sereine. Comme si un voile s’était levé. De son jardin où elle laissait une place privilégiée aux fleurs, elle ramenait des bouquets et elle fleurissait la photo du grand-père. De toutes les fleurs, celles qu’elle affectionnait c’étaient les glaïeuls. Ils étaient magnifiques… des roses, des rouges, des jaunes… Leurs corolles colorées étaient une ode à la joie, à la vie, elle, petite bonne femme toujours de noir vêtue.

« Tu vois, petite, ces fleurs sont droites comme un I. C’est comme cela qu’il faut être. »

Et la petite l’aidait dans sa cueillette, choisissait avec elle les plus belles. Elle en emmenait aussi à l’église. A la statue de la Vierge Marie, et à saint Nicolas car son père et ses oncles étaient toujours par mer. Ce n’étaient pas de pirates, non, ils étaient de simples pêcheurs mais allez savoir en mer ? Elle inspectait les caisses au retour, voir s’il n’y avait pas de trésor… non l’argent n’était que le dos des sardines…. Et les paniers n’étaient jamais bien lourds ni remplis…

Son enfance se déroula en demi-teintes : du noir des cauchemars de ses nuits, au rose de la douceur de ses jours, grâce aux bons soins de sa grand’mère.

Elle a hissé les voiles.

Ce matin elle a accompagné sa grand’mère à sa dernière demeure. Elle s’était éteinte doucement, sans mot dire. Son visage s’était lissé d’un coup, comme avec une baguette magique. Comme si toutes les peines, toutes les souffrances s’étaient envolées.

Elle l’a accompagné, et dans le petit cimetière marin elle a déposé sur la butte de terre toute fraîche un immense bouquet de glaïeuls. Des roses, parce que c’est sa couleur préférée.
Elle a fait sa prière à la Vierge Marie, à saint Nicolas.

Pour la première fois de toute sa vie, elle n’a pas fait de cauchemars.

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Il y avait une belle goélette toute blanche. Une mer d’un bleu d’azur sans tempête. Elle a pris les glaïeuls, elle en a fait des voiles. L’air s’est embaumé. Des pétales sont tombés, frêles esquifs qui sauveraient des marins en perdition.

Et là-haut dans le ciel, une étoile s’est mise à briller, comme un clin d’œil, un sourire mutin.

Elle a soupiré, versé une larme qui avait goût d’eau de mer.
Un pétale s’est doucement glissé sur ses paupières. Comme un baiser d’autrefois. Elle a senti le parfum…

Et elle s’est endormie.

10 décembre 2007

Auprès de mon arbre

... on marathonne....

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J’ai pleuré mon chêne
Comme un gosse idiot
Mon ami le chêne
C’était mon jumeau
Je ne suis qu’un pauv’ garçon
Just’ un simple bûcheron
Qui a déserté l’écol’
Enfilé la camisole
Des pauvr’ tâcherons
A la sold’ d’un patron
Qu’ aime les picaillons
C’ n’est pas un tendron
Mais près de toi mon ami
Moi je partais en voyage
T’étais pas de l’académie
J’n’étais plus au bagne.

Auprès de mon arbre
Je lisais heureux
J’aurais jamais dû
M’éloigner de mon arbre
Auprès de mon arbre
Je lisais heureux
J’aurais jamais dû
Le quitter des yeux

Sous ton ombre dense
Je faisais la paus’
Revivait l’enfance
Jusqu’à l’overdose
De ton écorce déchirée
Tu me sortais des livres
Et moi j’étais tout chaviré
Car toi tu me faisais vivre
De fabuleux voyag’
Au d’là d’ l’horizon
Pas besoin de bagag’
A toutes saisons
Tu m’emmenais sur l’océan
J’me prenais pour un géant
Tu m’emmenais en Amériqu’
Et mêm’ en Afrique.

Auprès de mon arbre
Je lisais heureux
J’aurais jamais dû
M’éloigner de mon arbre
Auprès de mon arbre
Je lisais heureux
J’aurais jamais dû
Le quitter des yeux.

Hier soir un infâme
Qu’a foutu le feu
A brûlé mon âme
Fait pleurer mes yeux
Plus de paus’ sous mon chêne
C’est plus qu’un tas de cendres
Moi j’ai appris la haine
Car je ne peux pas comprendre
Tous ces pyroman’
Tous ces assassins
Avec leur jerrican’
Viles spadassins
Plus de beaux voyages
Il n’y a plus une seul’ page
J’n’irais plus en Amériqu’
Ni mêm’ en Afrique

Auprès de mon arbre
Je lisais heureux
J’aurais jamais dû
M’éloigner de mon arbre
Auprès de mon arbre
Je lisais heureux
J’aurais jamais dû
Le quitter des yeux.

Que Georges qui dort sous son arbre, face à la mer, me pardonne ces quelques vers...

9 décembre 2007

L'escalier

Consigne : cette image et l'incipit "Je n’ai pas mis les bonnes chaussures"

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Je n’ai pas mis les bonnes chaussures
Pourtant je n’ai pas ralenti l’allure
Le sol était bien trop mouillé
Quand j’ai abordé les escaliers..

La première marche je l’ai loupée
En vain, j’ai tenté de me rattraper
Comme un château de cartes bancal
... une chute collective radicale

J’ai entendu plein de jurons
« vous pouvez pas faire attention ! »
Mais deux yeux bleus un peu anxieux
M’ont transportée dans les cieux

« vous avez mal Mademoiselle ? »
Moi j’ai plongé dans ses prunelles
Doucement il m’a pris la cheville
J’ai senti une odeur de vanille

Sur mon pied tout bleui et foulé
Il m’a déposé un baiser
Et il m’a prise par la main
Moi j’ai béni le p’tit crachin

Qu’avait mouillé les escaliers
M’avait permis de l’renconter
J’avais pas mis les bonnes chaussures
Mais j’ai trouvé la bonne pointure !

8 décembre 2007

Les Tentations de Tante Babette

Consigne : cette image et l'incipit "tante Babette prit une profonde inspiration..."

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Tante Babette prit une profonde inspiration…
Devant ces gâteaux elle est en admiration
Si elle succombe, quelle sera sa punition ?
Elle se demande... Enfer et damnation?

Tante Babette est une grande gourmande
De tous les gâteaux elle est très friande
Les spéculos… elle en ferait des guirlandes
Ou pourquoi pas une jolie houppelande

Tante Babette a beaucoup de diabète
Son docteur lui a fait un pense-bête
Mais elle jouera les analphabètes
Les idées tournent vite dans sa petite tête !

Tante Babette a pris un grand panier
Et méthodiquement l’a rempli en entier
Bien vite, elle a filé jusqu’au caissier
Et elle est retournée dans son quartier

Tante Babette s’est allongée sur son ottomane
Elle a mis un disque aux rumeurs océanes
Déchirant des dents le papier cellophane
Elle s’est empiffrée comme une sultane…

Tante Babette dans les cieux a rejoint ses aïeux
Le bon Dieu, les saints et les bienheureux.
Saint Pierre pour le bilan  n’a pas été chatouilleux
Il aime bien ceux qui savent mourir heureux.

29 octobre 2007

Le cri

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Incipit : Mauvaise nouvelle le quai du métro est noir de monde

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Mauvaise nouvelle, le quai du métro est noir de monde !

De cela je m’en souviens. Je vais être en retard…

Mon cœur s’accélère, je déteste la foule. Je joue des coudes, je me faufile, il ne faut pas que je le rate ce métro là ! En face, une affiche attire mon regard… des barres enchevêtrées s’impriment dans ma tête, me font vaciller. Elles sont hypnotiques et augmentent mon malaise. J’ai respiré, essayé de détourner mon regard.

De tout cela je m’en souviens parfaitement.

Et puis, j’ai rejoint John. Nous nous sommes retrouvés dans notre cachette, à l’angle de l’avenue…. Chut j’ai promis de le garder secret cet endroit… on n’a pas le droit de se voir ! Lui mon bel athlète blond… moi la « beurette » comme ils disent… Rencontre miraculeuse de deux êtres au-delà des conventions, du racisme.

J’ai retrouvé ses bras, son sourire, ses lèvres pour ces moments de bonheur au petit matin, avant qu’il ne parte au travail, qu’il ne se fasse absorber par ce monde des affaires…

On partira, il me l’a promis. On ira loin de la grande cité, dans un pays de soleil où l’on pourra s’aimer au grand jour.

La seule chose que je me souvienne encore de ce matin là, c’est que depuis notre cachette, j’ai ouvert les yeux et derrière les barreaux de notre cachette, les buildings reflétaient le soleil dans leurs surfaces vitrées, comme un champ d’étoiles.

Un trou. Juste un immense bruit dans ma tête, une déchirure dans le ciel, une odeur âcre dans ma gorge.

En un instant, plus de sons, le cri est resté pour l’éternité dans ma gorge.

Quand je suis sortie de la nuit, je m’en souviens parfaitement. Le silence était impressionnant. J’étais terrassée sur le sol, mon John était sur moi. J’ai senti son poids, un liquide visqueux, comme des larmes de vie.

J’ai voulu crier. Le cri est resté dans ma gorge. J’ai levé les yeux, l’affiche et ses barres enchevêtrées étaient là… au milieu d’un nuage de poussière.

Je me souviens très bien. J’étais à Manhattan, ce mardi 11 septembre.

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